Le Quotidien (Lux.)
Le célèbre auteur de bandes dessinées Jacques Tardi
"refuse avec la plus grande fermeté" la Légion d'honneur qui lui a
été attribuée le 1er janvier, voulant "rester un homme libre et ne pas
être pris en otage par quelque pouvoir que ce soit", a-t-il déclaré
mercredi à l'AFP.
"J'ai appris avec stupéfaction par les médias, au soir du 1er janvier,
que l'on venait de m'attribuer d'autorité et sans m'en avoir informé au préalable,
la Légion d'honneur!", souligne l'auteur de 66 ans qui vient de publier
"Moi René Tardi, prisonnier de guerre, Stalag II B" (Casterman), une
oeuvre très personnelle, basée sur le témoignage de son père, prisonnier en
Allemagne.
"Etant farouchement attaché à ma liberté de pensée et de création, je
ne veux rien recevoir, ni du pouvoir actuel, ni d'aucun autre pouvoir politique
quel qu'il soit. C'est donc avec la plus grande fermeté que je refuse cette
médaille", déclare dans un communiqué séparé Tardi, fait chevalier aux
côtés de Bruno Podalydès ou Jean-Pierre Léaud. "Je n'ai cessé de brocarder
les institutions. Le jour où l'on reconnaîtra les prisonniers de guerre, les
fusillés pour l'exemple, ce sera peut-être autre chose", ajoute Jacques
Tardi, qui s'est aussi beaucoup penché sur la Grande Guerre ("Putain de
guerre!", "C'était la guerre des tranchées"...). "Je ne
suis pas intéressé, je ne demande rien et je n'ai jamais rien demandé. On n'est pas
forcément content d'être reconnu par des gens qu'on n'estime pas", conclut
l'auteur d'Adèle Blanc-Sec. Les refus de Légion d'honneur ne sont pas si rares. Avant Tardi, de
nombreuses personnalités l'ont refusée pour des raisons diverses, de Louis
Aragon à Albert Camus, de Claude Monet à Hector Berlioz, Jean-Paul Sartre et
Simone de Beauvoir.
Georges Brassens en a même
fait une chanson. Léo Ferré fustigeait "ce ruban malheureux et rouge comme
la honte". Plus récemment, en août 2012, la chercheuse Annie Thébaud-Mony,
spécialiste des cancers professionnels, avait refusé cette décoration pour
dénoncer l'"indifférence" qui touche la santé au travail et
l'impunité des "crimes industriels", avait-elle écrit à la ministre
du Logement, Cécile Duflot. Contrairement aux idées reçues, la Légion d'honneur ne se réclame pas mais
vous est attribuée. Quand son nom apparaît dans le Journal officiel,
il faut se faire décorer pour "prendre rang". Ce sont les ministres qui adressent
les dossiers à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Les dossiers sont
ensuite instruits par le Conseil de l'ordre de la Légion d'honneur et ses
décisions soumises au président de la République.
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